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une belle révérence prétentieuse, comme si elle eût été encore au foyer de l’École Lyrique, dans son resplendissant costume de Dorimène.

J’avais hâte de fuir de cette maison de suppliciés. Je pris Vandevelle par le bras, et je l’entraînai d’un pas rapide.

— Ainsi, lui dis-je, ce malheureux meurt en vous volant, et il ne lui aura manqué aucune honte, aucune misère. Non-seulement le tableau promis n’existe pas et n’existera jamais, à coup sûr, mais aussi je n’ai pas revu cette toile couverte de barbouillages, triste monument de folie ! qui avait attristé nos yeux la première fois que nous sommes venus visiter Margueritte. Le chevalet même a disparu ; je suppose qu’on en aura fait du feu, et c’était bien le seul parti à prendre. D’ailleurs, ne dois-je pas vous féliciter pour vos deux mille francs perdus ? Jugez de ce que ç’aurait été si, par-dessus le marché, vous aviez été condamné à accrocher sur vos murs la composition insensée qu’aurait pu rêver le cerveau de ce spectre ! Pensez-vous qu’elle aurait été assez ridicule, cette apothéose de la farouche Aglaé parmi des pivoines et des anges de romance ?

— Je pense, dit Vandevelle, dont la réflexion m’ouvrit les yeux, je pense qu’il faut trouver le chaudronnier.

Nous le trouvâmes en effet, en nous renseignant dans la première boutique venue. C’était un chaudronnier en chambre, nommé Mestrezat, qui habitait un galetas situé précisément au-dessus de celui où vivait la famille de M. Margueritte. En nous voyant, il devina qui nous étions, et comprit tout de suite ce dont il s’agissait.

— Monsieur Vandevelle, sans doute ? demanda-t-il en regardant mon compagnon.