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posé en encoignure de façon à supprimer l’angle de la chambre, et formait ainsi une armoire, sur laquelle je vis un buste de femme en marbre blanc, rappelant par son élégance riche et poétique les meilleures sculptures de Coysevox. La demi-obscurité de la chambre, où le jour pénétrait par une seule fenêtre étroite et très-haute, à petits carreaux de couleur verte, ne me permettait pas de distinguer sur ce buste les traits du visage, mais d’ailleurs je n’avais besoin d’aucun examen pour être certain que cette tête sculptée et la tête peinte du cabinet de Vandevelle représentaient une seule et même personne.

Notre hôte ouvrit l’armoire, saisit un flacon curieusement gravé, à moitié plein d’eau-de-vie, et prenant en même temps un verre à pied placé à côté du flacon, il versa un verre d’eau-de-vie et l’avala d’un trait. Aussitôt, il referma l’armoire, dans laquelle il n’y avait pas autre chose que ce flacon et ce verre, et nous le vîmes se redresser, son œil était brillant, son geste hardi. Il revint vers nous d’un pas ferme, et, cette fois, presque avec les façons d’un homme du monde.

— … De vous asseoir, dit-il, achevant sa phrase commencée, et il approcha des siéges, non sans une certaine grâce sénile, et en même temps avec une assurance que je n’avais pas soupçonnée en lui, tant elle contrastait vivement avec sa première attitude d’enfant troublé et pris en faute.

— Ah ! monsieur Vandevelle, continua-t-il, que c’est aimable à vous d’être venu visiter si loin un pauvre solitaire ! Dans une misère pareille à celle qui m’accable, on conserve si peu d’amis ! mais ils nous deviennent alors doublement précieux. Madame Margueritte, ma pauvre Aglaé, sera bien… sera bien… sera bien…