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donnés quand, radieuse en son fantasque habit de Persépolitaine, elle apparaissait sur la corde raide, insoucieuse de l’obstacle, émerveillée de sa propre grâce ! Et, malgré sa sagesse, à cause même peut-être de cette inexplicable et farouche sagesse, que de luxe jeté aux pieds d’Hébé, que de faste à l’entour de son excentrique existence ! À elle le cabriolet jaune potiron et le briska gris de lin ! À elle les dentelles de madame Colliau, les porcelaines de Degotty et les nécessaires de Garnesson. C’est pour son boudoir de la rue du Mont-Blanc qu’un ébéniste, entêté de cette Pallas, inventa les meubles en olivier. Il fallait la voir dans ce petit Temple du Goût, où pénétrait à peine un voluptueux demi-jour ! Les épaules couvertes d’un fichu-guimpe en tricot de Berlin, les cheveux accommodés par Palette, l’inventeur des nattes embrouillées, si justement surnommé le Lycophron des coiffeurs, elle recevait, couchée sur son lit de repos, auprès duquel se dressait une colonne tronquée. Survenait un jeune merveilleux en négligé paré : chapeau à la magicienne, chemise en oreilles de lièvre, cravate à l’artiste, pantalon à l’américaine, gilet à la matelote.

— Divine Hébé, s’écriait-il, vous faites sécher sur pied le cerf Coco de Franconi et tout le personnel du théâtre des Fabulistes !

Hébé souriante demandait ses essences de Riban, achetées au dépôt de la rue Helvétius, et elle jouait négligemment avec les bagues lithologiques de Mellerio, entassées sur son bonheur-du-jour. Puis elle sortait dans une calèche à parapluie de Pauly, pour aller essayer une redingote à l’Eugénie ou une toque à la Cortey !

C’était à ses pieds que les ducs de création nouvelle versaient les trésors de la nature que le sieur Tripet dé-