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des abeilles, que les ouvriers de Ceylan taillent, pour le plaisir de nos yeux, dans les plus blancs ivoires. On peut mettre cela sur sa cheminée, où cela tient toujours une petite place, et cela ne laisse pas d’amuser les personnes qui viennent vous rendre visite.

— Monsieur, dis-je à l’artiste, je n’ai pas à ma disposition d’assez bel ivoire pour y tailler même une réduction de colosse, bonne à être rangée dans un porte-monnaie. Cependant, permettez-moi une objection. Vous m’avez dit que vos poupées me raconteraient leurs histoires. Prétendez-vous, par hasard, que ces statuettes de carton, de bois et de plâtre, colorées par des artifices, auraient la faculté de parler, de proférer des sons et d’employer des vocables humains ?

— Pas du tout, dit Chanderlos, et il n’est nullement utile d’inventer un surnaturel chimérique et factice, quand le vrai surnaturel est partout et nous crève les yeux ! Non, monsieur, mes poupées ne parlent pas, et c’est un grand avantage qu’elles ont sur les hommes mortels. Mais avez-vous remarqué à quel point il est facile d’apprendre et de savoir tout, sans employer ces outils superflus, qui se nomment : les langages articulés ? Regardez un passant ou une passante, interrogez ses traits avec une