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batailles ! Un Auvergnat qui te fait vivre en face d’un décor de volcans éteints, dans son Auvergne, où les dames portent des chemises en bois et, par économie, se mouchent dans des mouchoirs épais comme des planches.

— Il est vrai, dit madame de Cherfix, que mon mari est très fort et casse tout ce qu’il veut casser ; mais je ne m’en plains pas.

— Ah ! pauvre petite ! dit madame de Latil, je vois que l’abominable déesse de la Province, la Résignation, a déjà mis son pied sur ta poitrine. Moi, du moins, j’ai été, je suis, j’ai pu rester une dame parisienne, et je brille, et je fais belle figure, et l’on m’envie. Oui, ce qu’on voit de moi est charmant et superbe ; mais, comme dit Ruy Blas, si tu voyais dedans ! Ma chère Marie, mon choix ne semblait-il pas justifié ? Monsieur de Latil est comte. Quand ma main lui fut accordée, sa richesse était proverbiale ; avec ses grands yeux brillants et humides, ses lèvres de pourpre, sa barbe légère, son nez hardi, vivant et nullement grec, il ressemblait don Juan très jeune, et du consentement de tous les hommes, de toutes les femmes surtout, il était en effet un don Juan. Il avait affolé tant de femmes, qu’on ne les comptait plus ; bien qu’il ne s’adonnât particulièrement à aucun art, les poètes et les artistes, en lui par-