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flamber dans les rues les jours de guerre civile, et sur sa joue coule, brûlant comme le plomb fondu, une larme qui eût attendri les Anges terribles, mais qui ne peut désarmer le féroce papetier. Car le commerce est une chose sérieuse, et on ne paye pas quarante mille francs de loyer sur le boulevard pour se laisser enguirlander par les niaiseries sentimentales.


XLVI. — SORTIE DE BAL

La petite Julie est bien heureuse. Elle vient de retrouver, dans le bal de la Reine-Blanche, Céphise, son amie d’enfance, qui est restée sage et a continué à vivre de son aiguille, tandis qu’elle, Julie, menait la rude existence de la fille perdue, et obéissait à des maîtres qui ne plaisantent pas. Mais elle s’est sentie toute réconfortée et consolée en revoyant sa chère compagne. Elle va la suivre dans sa chambrette, et là, tranquille, rassérénée, oubliant la cruauté de ses tyrans, elle coudra comme autrefois, s’occupera du ménage, et, avec sa jolie voix d’oiseau, chantera les anciennes chansons. Les deux fillettes ont acheté pour leur souper un panier de fraises et un peu de vin. Elles s’en vont, gaies, rieuses, faisant mille projets, marchant d’un pas léger dans la nuit bleue, et le vent mêle, en se jouant, leurs chevelures. Mais,