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le jardin sonore. Ô Commissaire ! c’est en vain que tu veux te dérober à ton sort par une fuite rapide ; toujours ton ennemi te rattrape, te saisit avec délice, et pan ! pan ! pan ! continue à l’administrer l’héroïque volée. Et les petits enfants rient comme des fous, montrant leurs dents blanches. Mais un monsieur grave, qui dès le matin a endossé un habit noir parce que le soir il doit aller dîner en ville, et qui est très irrité contre Polichinelle, quoique lui-même, avec sa face rouge, ses cheveux blancs et son nez en arc de cercle ressemble parfaitement à Polichinelle, s’écrie, bouillant d’une indignation qu’il ne cherche pas à dissimuler :

— « C’est une honte de donner aux enfants de pareils spectacles ! Comment veut-on qu’après cela ils respectent l’autorité et les représentants de l’ordre établi ?

— Ah ! monsieur, lui dit un sage assis à côté de lui, ne troublez pas le plaisir des enfants, et laissez-les s’amuser tranquillement, pour l’amour de Dieu !

— Hem ! Dieu ! fait en grommelant le Polichinelle en habit noir, il ne s’est pas déjà si bien conduit lui-même pendant sa vie terrestre ! Car, est-ce une conduite régulière que d’emmener continuellement ses compagnons diner en ville chez des gens qui ne vous ont pas invité, puis de ramasser sur le chemin un fer à cheval qui ne vous appartient pas, et de le vendre pour en employer indûment le prix à acheter des cerises ? »