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ridé, brûlé comme celui d’un missionnaire et d’un apôtre, sous cette forêt de longs cheveux blancs si vénérables et si rassurants à voir ! Sa bouche sans lèvres parle, menace, sourit, caresse, adore, discute, persuade ; son regard voit, cherche, interroge, devine, suit les astres, perce les voiles, déchire les horizons, défie la nuit et le passé, et, quand il est ravi dans une extase, s’épuise à contempler les choses qui ne sont pas encore. Cette face lumineuse, au menton voltairien, d’où vient le feu qui de tous les côtés à la fois l’embrase et l’éclaire ? De l’esprit, n’en doutez pas. Et si pour un instant le songeur se tait, c’est qu’il écoute les plantes soupirer et les oiseaux parler. On a dit de lui : C’est un fou ! — Un fou en effet, comme Albert Durer et comme Dante, un visionnaire !


24. — LÉONIDE LEBLANC

Les bras, le torse, les épaules et le sein d’une bergère-déesse de Coysevox. Une expression languissante et suppliante. Qui donc supplie-t-elle ? La Destinée, hélas ! — Cette enfant éblouissante et belle en la fleur de ses jeunes années nous ramène à Balzac, et nous fait songer comme le monstre Paris est féroce, puisqu’il a besoin de dévorer de telles créatures. Sa bouche est un fruit pourpré ; son nez aquilin avance un peu ; sa peau semble une caresse ; ses yeux ont gardé les étonnements de