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juste, mon ami ! Nous ne pouvons pas vivre de la flamme du temps, ma maison ne marche pas avec rien, et les domestiques sont, vous le savez, devenus impossibles. Pour maintenir vos relations utiles avec les autres Enfers, et pour satisfaire les ministres qui les représentent, enfin le corps diplomatique, il faut bien que je donne de temps en temps quelques dîners. Or, j’ai beau offrir à ces gens-là des filets momifiés d’après la méthode suisse, de faux foies gras fabriqués dans les prisons, et des vins dont le bouquet et l’arôme sont imités selon le procédé enseigné à l’institut de Klusternenberg (Autriche,) je n’arrive pas à joindre les deux bouts.

Sans compter mes samedis de réception et mes thés de cinq heures, où mesdames les Démones me consomment moins de thé que de picrate. Enfin, mon ami, vous êtes le Diable, et au prix où sont les loyers, les femmes de chambre, les amants, les légumes, les robes de notre couturier Nessus, et le beurre, et même la margarine, comment ferais-je pour ne pas tirer le Diable par la queue ! »


CIV. — LE BON CHASSEUR

Dans la jolie salle à manger de sa propriété des Clochettes, assis devant une table sculptée au temps de François Premier, autour de laquelle court et s’enlace