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Luce porte sur son poing le petit chien tout blanc Fanfreluche, gros comme une souris. Cet animal inutile est paré d’un collier plat en argent bordé de diamants jaunes, sur lequel un patient graveur a représenté les Nymphes dans les bois du Taygète, le tour du lac au bois de Boulogne, le triomphe de Bakkhos à son retour des Indes, et les clowns des Folies-Bergère.

Luce de temps en temps égrène un petit rire de perles, ou jette un mot quelconque dépourvu de sens, ou une simple interjection, et les seigneurs et les seigneuresses qui la suivent se pâment, comme s’ils entendaient une chanson inédite de Mozart. Enfin, on arrive aux animaux de plaisance ; la mince souveraine déclare qu’elle veut monter, et monter seule — sur l’éléphant. On la hisse en effet sur le palanquin, comme une plume légère au haut d’une citadelle, et l’antithèse est si crue et violente que les bourgeois promeneurs en demeurent stupéfaits.

Mais en voici bien d’une autre, à quoi on ne s’attendait pas ! Ironiste comme un vieux Parisien, l’éléphant rusé fait semblant de haleter, de ployer, de succomber sous ce fardeau frivole. Il mime sa scène comme eût fait le grand Deburau, simulant des luttes, des contorsions, des efforts désespérés ; finalement, tombe sur ses genoux, comme s’il ne pouvait aller plus loin, puis se relève et part au galop, pour bien montrer que tout cela n’était que jeu et plaisanterie.

— « Mon cher, dit Maride à son ami Bergeroo, voilà