Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il faut que nous fassions nos ra et nos fla et tout le tonnerre du tremblement, — parce que le général Farre est enfoncé, et qu’on a rétabli les tambours ! »


LXXXIV. — SOLDATS DE PLOMB

Soufflant dans son noir clairon, la sinistre déesse Guerre cuirassée d’écailles a plané dans le sombre ciel. Les obus ont éventré les maisons et fracassé les villages. Les habitants ont été tués, les filles violées et égorgées. Les ruines incendiées fument vers la nue, les chemins sont pleins de soldats morts, aux yeux crevés, au nez meurtri. Brillants d’or et les panaches au vent, les vainqueurs galopent sur leurs chevaux rapides, les canons roulent sur leurs affûts, les fourgons chargés de butin suivent l’armée triomphante, et cependant à travers la campagne courent les taureaux fous, et on voit tournoyer des vols de corbeaux attirés par l’odeur du sang.

Mais cette belle comédie de la bataille étant finie, le fabricant de jouets remet à la fonte les soldats morts ou grièvement blessés, et range ceux qui se portent bien dans la boîte de mince sapin blanc. Cependant, lorsqu’il va prendre le chef orgueilleux, le terrible cuirassier au front chauve, dont la colère fait osciller le monde et qui mène tout d’un froncement de ses durs sourcils, celui qui fait marcher au pas les armées et les empereurs, et