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les mains dans les poches ? Sans quoi il faudrait admettre qu’ils préféraient quelque chose (mais quoi ?) à leur propre conservation, ou que dans leur pensée, tout ne finissait pas pour eux avec la vie, hypothèse qui, même présentée conditionnellement, paraît absurde ! »


LXXXI. — APRÈS LA NOCE

Ayant touché sa pension mensuelle, Robert Vic, le robuste étudiant normand à la blonde chevelure, s’en est allé dîner tout seul au café Anglais, où après avoir arrosé son copieux dîner avec cinq ou six bouteilles de grands vins, il a bu par-dessus son café une demi-bouteille d’eau-de-vie de derrière les fagots. Ainsi réconforté, il a marché jusqu’à l’avenue de l’Opéra, en fumant un cigare jaune. Et là, le jour se faisant tout à coup dans sa cervelle, il ne tarde pas à se rappeler qu’ayant, à la tête d’amis dévoués, traversé le tunnel sous-marin, il a conquis l’Angleterre ; que maintenant il va épouser la fille d’un roi saxon, qui vole avec des ailes de cygne, et que la noce durera soixante jours, pendant lesquels on mangera des cerfs rôtis, et des bœufs entiers servis sur des plats d’or.

En levant les yeux, Robert Vic ne peut douter qu’il soit roi ; car déjà dans les cieux on étend pour le réjouir,