Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veli dans l’ombre. La salle est parfaitement éclairée par sa verrière ; mais cette ombre, c’est le vieil Immortel qui l’a sécrétée autour de lui. Sec et brun, il semble avoir été sculpté dans une racine de buis, et il est si vieux que sur son crâne lisse, après les âges révolus, commencent à repousser de légers cheveux, blonds comme ceux d’un enfant. Et comme le délicat Tonia répète, avec une grâce que raffine encore une pointe de subtile ironie :

— « Oui, messieurs, j’ose croire qu’il vous plaira de choisir le numéro onze, sans trop vous demander si ce n’est pas ici la sauce — je veux dire l’épigraphe — qui fait passer les rimes, et que vous voudrez, en faveur de l’intention, couronner le poème…

— Mais, hurle alors le petit vieillard en agitant furieusement ses mains de bois, on ne peut pas le couronner, parce que dedans — il y a un rejet ! »


LV. — PROMENADE GALANTE

Ondoyante et agile comme une couleuvre et solennelle comme la Fatalité, délicieusement fardée et rosie, moulée expressément par sa robe de satin noir aux fronces caressantes qui la serre comme pour l’étouffer, — avec suite, avec patience, avec l’orgueilleuse résignation de l’esclave, la Fille de joie et de douleur, lançant comme