Page:Banville - Gringoire, 1890.djvu/44

Cette page n’a pas encore été corrigée

la cigale, j’ai joué des mystères à la gloire des saints et je ne vois pas ce que j’ai omis, sauf de laisser après moi des petits Gringoire pour frissonner de faim et pour coucher sur la terre dure. Or, franchement, ce n’est pas la peine. La seule chose que j’avais négligée jusqu’à présent, c’est de souper. Et j’ai bien soupé. J’avais offensé le roi notre sire, je lui ai demandé pardon à genoux. Mes affaires sont en règle, tout va pour le mieux, et à présent, maître Simon Fourniez, je bénis le soir d’été où pour la première fois j’ai passé devant votre maison.

SIMON FOURNIEZ.

Quel soir d’été ? Gringoire s’accoude d’abord sur le fauteuil du roi, puis sans prendre garde à ce qu’il fait, s’y assied tout à fait. Olivier-Le-Daim s’élance vers lui furieux, mais le roi, du regard, arrête le barbier, et lui fait signe en souriant de ne pas troubler Gringoire.

GRINGOIRE, se laissant aller à l’extase de sa rêverie, et peu à peu finissant par oublier la présence de ceux qui l’entourent.

voyez-vous, un poëte qui a faim ressemble beaucoup à un papillon affolé. Le soir que je veux dire (c’était à l’heure où le soleil couchant habille le ciel de pourpre rose et de dorure,) en passant sur le mail du chardonneret, j’avais vu flamboyer dans leurs mailles de plomb vos vitres qu’il remplissait d’éclairs et d’incendies, et, sans savoir pourquoi, j’étais allé à la flamme ! Je m’approchai, et à travers ces belles vitres de feu, je vis resplendir la pourpre des fruits, je vis briller les orfévreries et étinceler les écuelles d’argent, je compris qu’on allait manger là, et je restai en extase. Tout à coup, au-dessus même de cette salle, une fenêtre s’ouvrit, et une tête de jeune fille apparut, gracieuse et farouche comme celle de Phoebé la grande nymphe au cœur silencieux, quand elle aspire l’air libre de la forêt. Les rayons d’or qui se jouaient dans sa chevelure et sur son front vermeil lui faisaient une parure céleste, et je pensai tout de suite que c’était une sainte du paradis !

NICOLE, bas au roi.

c’était Loyse !

GRINGOIRE.

Elle semblait si loyale, si fière ! Mais après, je compris que