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NICOLE.

Pour cela, oui, pauvre agneau ! (à part.) il est dans son bon jour !

SIMON FOURNIEZ.

C’est bien le moins qu’il boive.

LE ROI.

Vous, Olivier, vous servirez notre hôte.

GRINGOIRE.

Oh ! Je me sers tout seul.

OLIVIER-LE-DAIM, humilié.

moi, sire !

LE ROI.

Vous le pouvez sans déroger, sachez-le. Je n’oublie pas que je vous ai annobli. Mais un seigneur peut servir un poëte.

GRINGOIRE, fièrement.

est-ce donc ainsi ? Eh bien, sire, (mettant un genou à terre.) pardonnez-moi ! J’ai été coupable envers vous, mais puisque vous me prenez ma vie, je ne puis vous donner plus !

LE ROI, à part.

bien. (montrant la table à Gringoire.) assieds-toi vite.

GRINGOIRE, se relevant.

c’est juste, je n’ai pas de temps à perdre, (il s’assied à table et mange. Olivier-Le-Daim le sert, Nicole Andry lui verse à boire.) si ce festin que je vais faire doit être le dernier que je fasse jamais ! (le roi s’est assis dans un fauteuil près de Gringoire et s’amuse à le regarder ; Gringoire boit et mange avec une avidité désespérée.) le dernier, que dis-je ! C’est bien le premier ! (il entame un pâté énorme.) ô le pâté mirifique avec ses donjons et ses tours ! Me croirez-vous ? Eh bien, voilà ce que je rêve depuis que je suis au monde. Comprenez ! J’ai toujours eu faim. Cela va bien un an, deux ans, dix ans ! Mais à la longue on a faim tout de même. Tous les matins, je disais au soleil levant, tous les soirs aux étoiles blanches : " c’est donc aujourd’hui jour de jeûne ! " elles me