Page:Banville - Dans la fournaise, 1892.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

NOCTURNE


Attiré par l’odeur affreuse du charnier,
Parfois le dieu Désir s’habille en chiffonnier.
Il n’a plus, beau chasseur bondissant d’un pied libre,
Ce grand arc dont la corde avec nos âmes vibre,
Ni ces traits dont l’airain, comme un oiseau vainqueur,
Épouvante la nue et nous blesse en plein cœur.
Il est las d’avoir vu les Déesses sans voiles
Et d’avoir caressé les blancheurs des Étoiles,
Et d’avoir longtemps bu, près des Amaryllis,
Les larmes de la Nuit dans la coupe des lys,
Et de s’être endormi, dans les apothéoses,
Sur des lèvres en fleur pareilles à des roses.
Désir, ce dieu superbe au fulgurant essor,
Dont les ailes fuyaient dans la lumière d’or