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compagnons de chasse ; Mme Henriette devait alors faire les honneurs de sa table à des hommes qui buvaient comme des sourds, mettaient leurs coudes sur la table et, au dessert, fumaient leurs pipes.

Dans une si triste vie, et privée de toute amitié, Mme Simonat ne trouva aucun recours, si ce n’est dans le dévouement de sa femme de chambre, Rosalie Hulin, une grande fille blonde, alerte, stylée, pleine d’attentions, qui savait soigner et choyer sa dame, lui éviter toutes les besognes ennuyeuses, lui tenir compagnie, lui faire la lecture, être au besoin pour son service une repasseuse, une couturière, une modiste et une dentellière de premier ordre. D’une très faible santé, minée encore par l’incurable ennui, madame Henriette était en proie à des crises fréquentes, pendant lesquelles elle perdait toute force, et avait besoin de mille soins délicats ; elle trouvait alors chez Rosalie l’affection la plus affectueuse, la plus tendre ; la plus discrète. Si quelque faute avait été commise qui devait exciter la brutale colère de Simonat, la servante n’hésitait pas à s’en charger, toujours prête à affronter l’orage, à suppléer sa maîtresse en toutes choses, et même, comme on le verra, en trop de choses. Mais telles furent la patience, la sollicitude, l’ingénieuse bonté de cette aimable fille qui, à chaque vacance, allait chercher les enfants à Tours, les y reconduisait et veillait sur eux, d’ailleurs toujours prête à partir, si leur mère était tourmentée d’un pressentiment ou de la moindre inquiétude ; elle sut si bien se rendre indispensable, tout en restant sans nul oubli à son humble place de servante, que Mme Henriette Simonat lui pardonna dans son âme,