Page:Banville - Œuvres, Les Exilés, 1890.djvu/56

Cette page n’a pas encore été corrigée
44
LES EXILÉS

Puis au ciel, qu’une pourpre éblouissante arrose,
S’enfuit dans la vapeur en feu du couchant rose.
La Lydienne au front orné de cheveux roux
Abaissa sur Hercule un œil plein de courroux,
Et lui cria, superbe et de rage enflammée,
En touchant la dépouille auguste de Némée :
Esclave, donne-moi cette peau de lion.
Hercule, sans colère et sans rébellion,
Obéit. La princesse arrangea comme un casque,
Sur sa tête aux cheveux brillants, l’horrible masque
Du lion, puis mêla, plus irritée encor,
La crinière farouche avec ses cheveux d’or,
Et, levant par orgueil sa tête étincelante,
Se fit de la dépouille une robe sanglante.
Esclave, que le sort a courbé sous ma loi,
Reprit-elle en mordant sa lèvre, donne-moi
Tes flèches, ton épée et ton arc, et déchire
Ce carquois. Le héros obéit. Un sourire
Ineffable éclairait, comme un rayon vermeil,
Son front pensif, hâlé par le fauve soleil.
Pourquoi vas-tu, couvert de meurtres et de crimes,
Par les chemins, sous l’œil jaloux des Dieux sublimes ?
Dit Omphale. Tu fuis dans l’univers sacré,
Toujours ivre de sang et de sang altéré ;
Tu fais des orphelins désolés et des veuves
Dont le sanglot amer se mêle au bruit des fleuves ;
Ton pied impétueux ne marche qu’en heurtant
Des cadavres ; l’horreur te cherche, et l’on entend