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LES EXILÉS

Dieu, nous plaignant, voulut qu’elle prît la figure
D’une vierge donnant au ciel son âme pure,
Comme une hostie offerte à Jésus triomphant,
Et qu’elle tînt la hache avec un bras d’enfant,
Forte de son amour et de son ignorance,
Pour chasser l’étranger qui dévorait la France
Comme un troupeau de bœufs mange l’herbe d’un parc,
Et la Lorraine alors se nomma Jeanne d’Arc !
Ô toi, pays de Loire, où le fleuve étincelle,
Tu la vis accourir, cette rude Pucelle
Qui, portant sa bannière avec le lys dessus,
Combattait dans la plaine au nom du roi Jésus !
Faucheuse, elle venait faucher la moisson mûre,
Et le joyeux soleil dorait sa blanche armure.
Elle pleurait d’offrir des festins aux vautours,
Et montait la première aux échelles des tours.
Partout sûre en son cœur de vaincre, Orléans, Troyes,
Malgré le Bourguignon vorace, étaient ses proies.
Lorsqu’elle pénétrait dans ces séjours de rois,
On entendait sonner dans le vent les beffrois
Avec de grands cris d’or pleins d’une joie étrange,
Et le peuple ravi la suivait comme un ange.
Puis elle retournait, héros insoucieux,
À la bataille, et saint Michel, au haut des cieux
Flamboyants, secouait devant elle son glaive.
Le roi Charles conduit par elle comme en rêve,
Et sacré sous l’azur dans l’église de Reims ;
Tant de succès hardis, tant d’exploits souverains,