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LES EXILÉS


La bonne Lorraine


Livrée aux léopards anglais par Ysabeau
Notre France allait être un cadavre au tombeau.
Elle n’avait plus rien de sa fierté divine,
Et Suffolk et Talbot lui broyaient la poitrine ;
Plus de vaillance, plus d’espoir, c’était la fin.
Affolés par la peur affreuse et par la faim,
Les paysans quittaient par troupes leurs villages.
Ils s’enfuyaient et, las de subir les pillages,
Ils allaient vivre au fond des bois avec les loups.
Le roi de Bourges, cœur inquiet et jaloux,
Sans toucher son épée où s’amassait la rouille,
Docile, abandonnait sa vie à la Trémouille ;
Orléans succombait déjà plus qu’à moitié,
Lorsque Dieu vit la France et la prit en pitié.
C’est alors qu’il choisit, pour sauver cette reine,
Un champion, qui fut la robuste Lorraine,
La Lorraine où jamais le travail ni les ans
N’abattent la vertu mâle des paysans.