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LES EXILÉS


L’Âme de Célio


Ce calme Célio, ce fils de la Chimère
Qui passa comme un rêve, et qu’on pleure aujourd’hui,
Ce jeune homme pensif, beau comme un dieu d’Homère,
Je l’ai connu ; je veux parler encor de lui.

Mais parmi nous, d’ailleurs, son image est vivante !
Terrible, et secouant dans l’air un feu subtil,
Sa lourde chevelure inspirait l’épouvante,
Et sa bouche, ô douceur ! charmait le mois d’avril.

Poète, comme il fut adoré dès ce monde !
Oh ! que de fois, songeant à nous, il déroula
Du bout de ses doigts fins l’or d’une tresse blonde,
Sans savoir qu’à ses pieds une femme était là !

Adoré ! tout l’aimait dans sa grâce première.
Pourtant l’âme féroce et lâche de Don Juan
N’habita point ce corps pétri dans la lumière
Que berçaient les sanglots du sauvage Océan !