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LES EXILÉS

C’est pourquoi je serai joyeux, comme un sculpteur
Dont l’âme virginale et dont l’œil contempteur
Ne veut pas une tache à la blancheur des marbres ;
Près de la source froide, ange, et sous les grands arbres,
Dans un chant triomphal qui se rit du tombeau,
Je redirai la gloire immortelle du Beau.
Tout brûlant du baiser céleste d’Eurydice,
Je chanterai l’Amour, la Clarté, la Justice,
Et les hommes pensifs s’éblouiront de voir
Mes regards de héros, fixés sur le Devoir,
Mépriser tous les vils intérêts de la terre,
Cependant que mon Ode ouvre, fleur solitaire,
Son calice de pourpre ardente épanoui,
Et que je sentirai, dans un rêve inouï,
Cet Ange glorieux, vainqueur des épouvantes,
Secouer sur mon front des étoiles vivantes.


Juin 1860.