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LES EXILÉS

Nos chers liens d’amour ne seront pas brisés,
Et tu retrouveras mon front sous tes baisers.
Seulement, désormais, les ombres sépulcrales
Ont fui mes yeux emplis de lueurs sidérales ;
Mon pied, qui de l’espace ouvert n’est plus banni,
Bondit d’un vol charmant dans le libre infini ;
Mes sens plus compliqués et qui percent les voiles
Perçoivent dans l’éther le parfum des étoiles
Et voient distinctement les formes de l’azur.
La musique des cieux, le chant jadis obscur
Des sphères, dans son rhythme arrive à mon oreille ;
Les constellations de la voûte vermeille
Pendent à ma portée, et je touche à leurs nœuds
Épars, et dénouant mes cheveux lumineux
Au vent du ciel baigné dans le concert des astres,
Je l’écoute, appuyée au pied des bleus pilastres,
Tandis que tout un chœur au vol démesuré
Accourt au flamboiement de mon vol azuré.
Vois-les, ces cheveux d’or où le rayon se pose,
Ce front, ces bras de neige et ce talon de rose,
Et cette bouche folle heureuse de fleurir,
Ne pleure plus jamais ce qui ne peut mourir,
Et que ta voix parmi les hommes se déploie
Dans un immense chant lyrique, ivre de joie.
Vision, vision ! toujours tu brilleras
Devant ma face, avec la neige de ses bras,
Et je suivrai toujours dans une ombre sacrée
Sa chevelure d’or par des flammes dorée.