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LES EXILÉS


Le cher Fantôme


Ô larmes de mon cœur, lorsque la bien-aimée
Fut morte, et que sa tombe, hélas ! fut refermée,
Quand tout fut bien fini, quand je demeurai seul,
Ayant vu cette enfant cousue en son linceul,
Oh ! je ne pleurai pas son âme, non, sans doute !
Car tout me disait bien que l’âme prend sa route
Vers les déserts du ciel éthéré ; qu’étant Dieu,
Elle s’élancera vers les astres de feu
Comme un puissant oiseau, pour se plonger, ravie,
Dans les ruissellements de joie et dans la Vie.
Mais je pleurais sa forme adorable, son corps
Où la grâce divine avait mis ses accords,
Et dans son effrayante et chaste et fière allure
Cet or en fusion qui fut sa chevelure !
Quoi ! disais-je, cet or, ces roses, ces blancheurs,
Cette chair, où couraient les plus douces fraîcheurs,
Ces noirs sourcils, les cils que la brise querelle,
Sa prunelle où la flamme était surnaturelle,