Et mis ses crocs affreux dans cette jeune chair.
Les Dryades, pleurant son front qui leur fut cher,
Crurent qu’en la perdant la terre était changée.
On entendit gémir la cime du Pangée ;
Le dur géant Rhodope eut de longs désespoirs ;
Des sanglots éclataient parmi ses rochers noirs,
Et le ciel vit les pleurs de la froide Orithye.
Pour Orphée, anxieux et l’âme anéantie,
Sur son front portant l’ombre ainsi qu’un noir vautour,
De l’aube à la nuit noire il chantait son amour,
Pâle, effrayant, en proie au sinistre délire,
Et des cris douloureux s’échappaient de sa lyre.
Enfin, brûlant toujours de feux inapaisés,
Cherchant la vierge enfant ravie à ses baisers,
Il pénétra parmi les gorges du Ténare ;
Il entra dans le bois où la lumière avare
Se voile et meurt, où les vains spectres par milliers
Se pressent, comme font des oiseaux familiers
Qui vont rasant la terre et dont le vol hésite.
Il apaisa le flot bouillonnant du Cocyte,
Et même il vit au fond de l’enfer souterrain
Les Dieux de l’ombre assis sur leurs trônes d’airain.
Il chantait, voix mêlée à la lyre divine ;
Les Dieux voyaient l’Amour vivant dans sa poitrine ;
Sans doute ils eurent peur qu’en leur morne tombeau
L’archer Désir lui-même avec son clair flambeau
Ne parût, et domptant le Styx aux vagues sombres,
Ne redonnât la vie au vain peuple des Ombres.
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