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le sang de la coupe

Le Triomphe du Génie

Un grand aigle aux beaux yeux vole d’une aile pleine
Vers le sommet du ciel, où sont les pieds de Dieu.
Les timides chasseurs le guettent dans la plaine,
Les doigts crispés sur l’arme, et prêts à faire feu.

Un astre éblouissant, plus haut que les orages,
Brille parmi les cieux tout semés de soleils.
On voit dans leur azur se liguer les nuages
Pour cacher ses rayons, à l’œil de Dieu pareils.

Un rocher colossal, couronné par la brume,
Élève son front chauve au-dessus de la mer,
Les vagues sur ses pieds usent leurs dents d’écume
Et tâchent de le mordre avec leur flot amer.

Un beau lys, tout rêveur auprès de l’onde bleue,
Échange des sanglots avec les flots tremblants.
Les poissons du marais, battant l’eau de leur queue,
Veulent jeter la vase à ses pétales blancs.