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le sang de la coupe

Nous avons fait fleurir l’ivoire des ombrelles
Et fixé parmi l’or les flammes de l’émail,
Et, pour mieux vous distraire, apaisé les querelles
De ces dragons chinois peints sur votre éventail.

Nous avons déchiré la poitrine de l’Onde
Pour y chercher la perle agréable à vos yeux,
Et, pour faire de vous les maîtresses du monde,
La Mode a fait éclore un monde merveilleux.

C’est pour qu’il brille mieux sur votre épaule pure,
Le myrte du désir, adorable et fatal,
Qu’elle chiffonne encor la soie et la guipure
Sur les coussins rosés du palais de cristal.

Pourtant, souvenez-vous, jeunes charmeuses d’âmes,
Que c’est le seul Amour dont le flambeau changeant,
En jouant autour d’eux, remplit de vagues flammes
Le satin, le velours et la toile d’argent.

Ah ! si Paris est roi parmi toutes les villes,
C’est que c’est le pays où l’Amour, d’un regard,
A fait naître, au milieu de cent guerres civiles,
Pour le chanter en vers son poëte Ronsard.

C’est que, lorsqu’on y sent passer comme une flèche,
Au milieu d’un éclat de parure et de voix,
Un essaim de péris au bord d’une calèche,
Parmi les feuillaisons, dans un nuage, au bois,