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le sang de la coupe

Mais elle répondit : Laisse mes pieds nacrés
Courir sur ta pelouse,
Baise ta fille au front, Nature aux flancs sacrés,
Et ne sois pas jalouse !

Vous ne connaissez pas nos maux qui font mourir
Et nos peines secrètes :
Aimez-vous bien, soyez heureuses de fleurir,
Ô petites fleurettes !

L’aurore aux doigts rosés reviendra tous les jours
Baiser les vagues blondes,
Et rien ne peut troubler les sereines amours
Du soleil et des ondes !

Sous les grands cieux d’azur vous n’avez pas de toit,
Vous n’avez pas de chaînes :
Rien ne prive jamais la feuille qui la boit
De la sève des chênes !

Les Déesses de marbre au regard contempteur
Plein d’amours éternelles
Chérissent à jamais l’harmonieux sculpteur
Qui les a faites belles.

Et vous, roses, et vous, reines des floraisons,
Les rayons d’or allument
Et refleurissent mieux à toutes les saisons
Vos baisers qui parfument.