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le sang de la coupe

Mourons, dirent tout bas les filles des sculpteurs
Sous les branches des arbres,
Puisque sa chaste épaule et ses bras enchanteurs
Sont plus blancs que nos marbres !

Bois-moi, dit au soleil en ses palais charmants
La tremblante rosée,
Puisqu’elle a de plus clairs et plus purs diamants
La prunelle arrosée.

Et, dans les clairs bassins, sous les grands peupliers,
Les Naïades se dirent :
Allons dans les palais de cristal oubliés
Où les Dieux se retirent !

Et toi, mon bien-aimé, toi, soleil triomphant,
Sèche ma vague blonde,
Puisque sa joue en fleur et sa lèvre d’enfant
Sont plus douces que l’onde.

Le lierre dit : Brisez mes rameaux sans retour,
Dryades familières,
Puisque sa main vaut mieux pour enchaîner l’amour
Que les cent mains des lierres !

Et toute la Nature, aux flancs d’herbe vêtus,
En qui tout est dictame,
Dit : Je meurs en pleurant tous mes charmes vaincus
Par une jeune femme !