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le sang de la coupe

Que le troupeau charmant des Nymphes et des Grâces,
Qui cherche les flots purs et les abris secrets,
Puisse encore, écartant des mains les feuilles basses,
Mener des chœurs dansants à l’ombre des forêts !

Mais respectez surtout les Muses et les Lyres !
Que les divines sœurs, vierges aux belles voix,
Sur les monts chevelus puissent par leurs sourires
Émouvoir en chantant les rochers et les bois !

Quand les hommes, pareils aux animaux immondes,
Vivaient dans les forêts, c’est la Muse aux beaux yeux
Qui peigna dans ses doigts leurs chevelures blondes
Et leur dit d’élever leurs regards vers les cieux.

Sans elle vous seriez comme des bêtes fauves,
Vous enivrant de meurtre et sans plus de remords
Que la louve affamée et que les vautours chauves
Qui guident leur femelle à l’odeur des corps morts.

Tantôt avec ses sœurs, au soleil des campagnes,
Mêlant la poésie avec les chœurs dansés,
Elle passe, pieds nus, sur le haut des montagnes,
Enchantant l’horizon de ses pas cadencés.

D’autres fois, le sein libre, elles tiennent la lyre
Parmi les Immortels continuant leurs jeux,
On entend résonner de leur hymne en délire
Les radieux sommets de l’Olympe neigeux.