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le sang de la coupe

La Prophétie de Calchas

Comme les Danaens assemblés devant Troie
Buvaient à ses trésors de festin en festin,
Et, les regards fixés sur cette riche proie,
Vivaient joyeusement dans l’espoir du butin ;

Tous les guerriers, couchés sur le sable par troupes,
Tenaient de gais propos, ou puisant tour à tour
Dans le large cratère et remplissant les coupes,
Entonnaient en riant quelque chanson d’amour.

Les uns, près de la mer pleine de doux murmures,
Livraient leurs yeux songeurs aux caresses des flots,
Et d’autres, au soleil, fourbissaient les armures,
Les casques sans panache et les lourds javelots.

Bientôt, s’écriaient-ils, entends-nous, ville infâme !
Tes héros tomberont sous le glaive mortel,
Et le rouge incendie, avec ses dents de flamme
Mordra tes blanches tours qui montent jusqu’au ciel.