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trente-six

Fume l’andouille et garnis le saloir,
Bon paysan courbé sous le devoir,
Ou travailleur des bois, rude Sylvain
Toujours cognant sous le feuillage noir :
C’est Rabelais qui nous verse du vin.

Qui que tu sois, artisan, bûcheron,
Humble mercier fait pour chanter le chœur
Sur le théâtre où déclame Néron,
Même valet d’écurie ou piqueur,
Tu goûteras à la rouge liqueur.
Quand tu serais, en ton pauvre manoir,
Plus altéré que ne l’est vers le soir
D’un jour de juin, le sable d’un ravin,
Nargue la soif, car tu n’as qu’à vouloir,
C’est Rabelais qui nous verse du vin.

Envoi.

Prince, la France enivrée a pu voir
Le flot sacré dans son verre pleuvoir.
Buvons encor ! nous n’aurons pas en vain
Soif de gaieté, d’amour et de savoir,
C’est Rabelais qui nous verse du vin.


Septembre 1869.