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ballades joyeuses

XVIII

Ballade
en quittant le Havre-de-Grâce

Enfin je pars et voici le navire.
Adieu, Paris joyeux ! adieu, tombeau !
Vis sans savoir que Misère soupire,
Maigre, et saignant sur son vieil escabeau,
Et ses seins nus mal couverts d’un lambeau.
Vis dans ta haine et dans ton avarice ;
Moi, je m’envole au gré de mon caprice.
La voile s’enfle, éprise de l’éther,
Et, délivré, j’invoque ma nourrice,
La mer aux flots tumultueux, la mer !

Adieu, prison où pleura mon martyre !
Adieu, Gobsecks à l’âme de corbeau !
La vague est là qui me berce et m’attire ;
L’archer divin, jeune, féroce et beau,
A sur la mer secoué son flambeau.