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histoire de la ballade

bas, à la cour comme à la halle. Et, je le demande, lequel des deux sera le type ? Lequel aura hérité de l’autre, ou se sera modelé sur lui ? À la question ainsi posée il y a, ce me semble, une réponse facile : les académies adoptent, elles réglementent, elles consacrent, elles couronnent, mais elles n’inventent pas. L’invention nait de la multitude et de la liberté ; elle n’est jamais sortie d’un concours. Et c’est pourquoi, pour donner la priorité à la Ballade sur le Chant-Royal, et pour reconnaître en elle la création primitive, le genre-mère, le type, il me suffit de ces couronnes et de ces « chapaulx » dont Henri de Croï parle, à ce qu’il me semble, un peu du bout des lèvres.

J’ai dit que le xive siècle avait été pour la Ballade ce que le xvie fut pour le Sonnet, l’heure de l’apothéose et de la popularité.

Le xive siècle est une de ces époques artistes dont nous parlions en commençant, où le génie poétique progresse et se dégage en s’appuyant sur des règles précises. La poésie cesse alors d’être impersonnelle : les noms abondent. On voit des genres se créer accusant la variété des talents et la diversité de l’esprit national. En un mot, la Poésie se fait art : elle renonce à servir de forme vulgarisante, de truchement, à l’histoire, à la théologie, aux sciences naturelles ; elle vit par elle-même. C’est alors que, suivant l’expression d’un historien, fleurissent ces