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histoire de la ballade

historiques ou légendaires, complaintes quelquefois, en stances et sans refrain, où l’on retrouve le ton et le genre des anciens Lais français du xiiie siècle.

Les Ballades de Gœthe sont des Lieder ; celles de Bürger s’appellent simplement Poésies (gedichte) ; celles de Schiller sont ou des Lieder, ou des Chants (gesange). Si les uns et les autres ont quelquefois donné pour sous-titre à leurs poëmes le mot : Ballade, c’est un effet de la même confusion qui a fait attribuer vulgairement ce nom à de certaines cantilènes ou complaintes populaires, par exemple à la complainte du Juif-Errant ; et c’est une fantaisie qui n’engage à rien en français.

Et voilà comment une bouffée d’air allemand poussée par les vents du Rhin est venue chez nous obscurcir une question d’étymologie et a effacé du répertoire poétique un des plus anciens genres nationaux.

Le vieux genre français protestait cependant, publiquement et en pleine lumière de lustre, chaque fois qu’au Théâtre-Français on jouait Les Femmes savantes, et que Vadius, sollicité par Philaminte de manifester son génie, toussait en déroulant son cahier : — Hum ! c’est une Ballade ; et je veux que tout net vous m’en… Pourquoi une Ballade ? L’auteur le savait ; le public ne le savait plus. Ce n’est pas sans raison que Molière, voulant présenter son Vadius comme le type accompli du pédant, en fait