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histoire de la ballade

toi, Lorelei ! fée capricieuse et fugitive des bords du Rhin, Muse de la Ballade allemande ! Tout fut Ballade alors : la jeune fille filant son rouet, le vieux seigneur pleurant son fils mort à la bataille, le châtiment des soldats blasphémateurs emportés par le diable, le voyageur égaré par le feu follet pendant la nuit, le sabbat des moines sacrilèges dans le cloître abandonné ! Tout s’en mêla, le piano comme la lyre, et le pinceau, et le crayon. Pas de tableau sans tour féodale et sans fantôme, pas de chant qui n’eût pour accompagnement le trap-trap infernal, ou le tintement de la cloche maudite, ou le vol tourbillonnant des esprits. Et ni le poëte, ni le musicien, ni le peintre ne se doutaient qu’ils intronisaient un bâtard, et que ce genre nouveau, que cette importation étrangère qu’ils fêtaient avec enthousiasme, n’était au fond que la Romance.

Remarquons en passant que ces prétendues Ballades allemandes s’appellent proprement des Lieds (Lieder), mot qui se traduirait exactement en français par celui de Lai, d’où l’on a tiré Virelai, et qui caractérisa pendant le moyen-âge un genre de poésie particulier, analogue au conte ou au fabliau : Lai de la Dame de Faël, Lai du Rossignol, Lai d’Aristote, etc. (Voir notamment les poésies de Marie de France éditées par De Roquefort, Paris, 1832.)

Les Allemands, plus fidèles que nous à l’étymologie, ont donné le nom de Lieder à des chansons