Page:Banville - Œuvres, Le Sang de la coupe, 1890.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.
174
histoire de la ballade

soumet toutes choses à l’alternative, où le goût est infini dans ses variations et dans ses modes, ces vicissitudes sont plus fréquentes que partout ailleurs. Dans les arts une loi générale préside à ces évolutions, loi de compensation et d’équilibre entre les deux sources principales du génie français, l’imagination et la raison, ou, pour nous conformer au langage de la polémique actuelle, le bon sens et le sens artiste.

Toute l’histoire de notre littérature, notamment, roule entre ces deux termes : revanches perpétuelles de l’esprit de raisonnement sur le génie poétique, et de celui-ci sur celui-là.

Les époques artistes s’inquiètent de la langue et des formes, remontent l’instrument poétique, renouvellent le matériel des moyens d’expression.

Les époques de raisonnement démontrent, enseignent, discutent, propagent, grandes aussi dans leur inquiétude du vrai, dans leur amour expansif de l’humanité et du bien.

Lorsque, au commencement de ce siècle, on sentit la nécessité de rendre à la langue poétique l’énergie et l’éclat qu’elle avait perdus pendant cent cinquante ans de discussions et de luttes, on se retourna naturellement vers les époques de poésie florissante. On alla rechercher la tradition de l’art oubliée près des derniers lyriques, ceux de la Renaissance et du règne de Louis XIII. Le besoin de regagner de la