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avant-propos

sification, contenus tous dans l’obligation d’écrire quatre couplets sur des rimes pareilles, que fournit à grand’peine la langue française, elle a ce mérite infini qu’une Ballade bien faite (de Villon) semble au lecteur n’avoir coûté aucun effort et avoir jailli comme une fleur.

Il n’est pas besoin de dire que la langue du xve siècle et celle d’aujourd’hui sont absolument différentes entre elles ; or quiconque transporte des formes de poëme d’un idiome dans un autre, doit, comme Horace le fit pour les Grecs, accepter de ses devanciers toutes leurs traditions, même dans le choix des sujets. Ainsi ai-je dû agir, et cependant mon effort fût demeuré stérile si je n’eusse été de mon temps dans le cadre archaïque, et si dans la strophe aimée de Charles d’Orléans et de Villon je n’eusse fait entrer le Paris de Gavarni et de Balzac, et l’âme moderne ! En un mot, j’ai voulu non évoquer la Ballade ancienne, mais la faire renaître dans une fille vivante qui lui ressemble, et créer la Ballade nouvelle. Si j’ai réussi dans mon entreprise, et plaise à Dieu qu’il en soit ainsi ! j’y aurai bien peu de mérite, venant après les grands lyriques de ce siècle, qui, façonnant les esprits comme les rhythmes, nous ont à l’avance taillé et aplani le peu de besogne qu’ils nous ont laissée à achever. Pourtant, je sens en moi une sorte de petit orgueil d’ouvrier, en venant restituer un genre de poëme