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le sang de la coupe

Pâris.

Ô mon Hélène ! Hélène, orgueil charmant des cieux,
Est semblable à Cypris ! Ô flots silencieux !
Ô mers ! Ô bois profonds ! leurs cheveux clairs et sombres
Sont, comme vous, baignés de lumières et d’ombres.
Ô nuit voilée, en pleurs pour Phœbos qui s’enfuit !
Torrents échevelés qui roulez dans la nuit !
Ô neiges des hauteurs ! Temples au front d’ivoire !
Tels brillent leurs pieds blancs et leur prunelle noire.
Nymphes qui sur moi seul attachez vos regards,
Oh ! qui m’emportera vers Hélène ! Quels chars ?
Quelles mers ? Quels zéphyrs, amants des cieux d’étoiles ?
Quels rapides vaisseaux, ailés de blanches voiles ?

Le Chœur.

Que les arbres noueux, épargnés par les ans
Tombent sous la cognée et les marteaux pesants !
Qu’avec des bruits pareils à la voix des tonnerres,
Roulent déracinés les chênes centenaires !
Que la Dryade en pleurs torde ses bras tremblants
Et saigne autour de toi la sève de ses flancs !
Quand le flot frémira sous tes légers navires,
Moi-même, abandonnant mes cheveux aux zéphyres,
Je viendrai de ta route écarter les dangers
Et pousser de mes mains tes navires légers.
Thétis pour me sourire apaisera ses ondes,
Et rira de me voir sous ses grottes profondes.