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le sang de la coupe

Admire mes cheveux d’or pur, mon corps d’ivoire,
Où, parmi les blancheurs, tressaille une ombre noire.
Qu’ai-je à faire du sceptre et des lourds boucliers ?
Ces charmes tant chéris, si souvent suppliés,
Sont des boucliers sûrs et de paisibles armes.
En échange du prix qui cause tant d’alarmes,
La fille que Léda conçut près des flots bleus,
Dans les embrassements du beau cygne onduleux,
Livrera sans colère à ton amour fidèle
Son corps charmant, semblable au mien.

Pâris laisse tomber la pomme aux pieds de Cypris.
Pâris.

Son corps charmant, semblable au mien. À la plus belle !

Cypris.

Déesses au cœur fier, habiles au mépris,
Voyez quelles beautés ont mérité le prix !
C’est toi qui sur l’Olympe, en ses cavernes basses,
Hèra ! dans des baisers charmants conçus les Grâces,
Et qui les enfantas dans de grandes douleurs.
Le sang pur de ta veine a coulé dans les leurs,
Tu leur ouvres tes bras, et tu verses sur elles
L’intarissable flot des bontés maternelles.
Tu les as fait monter au Parnasse divin,
Près des Muses leurs sœurs, et pourtant, c’est en vain
Que, sur le roc sonore où les guide Euphrosyne,
Tu leur as demandé le regard qui fascine.