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le sang de la coupe

Avec tous les trésors dont l’homme s’extasie,
Je puis mettre à tes pieds les trônes de l’Asie.
Règne. Après les grands Dieux on adore les rois,
Car, affranchis comme eux de la pudeur des lois,
Ils savent le secret des plus humbles retraites,
Et trouvent pour leurs vœux toutes leurs amours prêtes.
La pourpre, sur leurs corps divins et sur leurs fronts,
Cache aux regards de tous le sang et les affronts,
Et leur désir ailé, sans limite et sans règle,
S’en va droit à son but, comme le vol de l’aigle !

Pallas.

Fou qui, pouvant prétendre à de riches butins,
S’endormirait stupide au milieu des festins !
Mais moi, loin de t’offrir la pourpre, à tort vantée,
Qu’un ennemi mourant n’a pas ensanglantée,
Vain effroi du vulgaire et des jeunes taureaux,
Je te rendrai l’égal des plus vaillants héros.
Dans les champs de bataille, horreur des pâles veuves,
Où le sang débordé teint de rouge les fleuves,
Sur les fronts les plus hauts j’alourdirai ton bras,
J’endurcirai ton cœur, et tu t’enivreras
Des clairons pleins de cris, des poudreuses mêlées
Et du tressaillement des foules écroulées !

Cypris.

Tombez, voiles jaloux ! Vois les trésors épars
Dont j’ose sans rougir enivrer tes regards.