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le sang de la coupe

Kroniôn ! oses-tu, sans donner leur essor
Aux suprêmes injures,
Hésiter à présent, et retourner encor
Le fer dans mes blessures ?

Moi, reine des humains, moi du maître des Dieux
Et la sœur et l’épouse,
Je subis des mépris qui font horreur aux cieux :
Mais, ô fureur jalouse !

Peut-être qu’à la fin mon cœur qui saigne, hélas !
Et ma rage obsédée
Trouveront le moyen de réduire Pallas
Comme Philomédée,

Celle qui le défend, et celle qui l’aida
Dans ses amours indignes,
Et qui mit dans sa voix, pour égarer Léda,
Le divin chant des cygnes !

Zeus.

Au sommet de l’Ida, sous de pauvres habits,
Le fils d’un roi puissant fait paître ses brebis,
Et couché parmi l’herbe épaisse, au pied d’un hêtre,
Il enfle ses pipeaux ainsi qu’un dieu champêtre.

Là tantôt du regard il compte ses taureaux,
Ou, soucieux, rêvant la gloire des héros,
Il écoute gémir les eaux du fleuve Anaure
Dont les flots argentés rendent un bruit sonore.