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le sang de la coupe

Pensive, elle tenait toujours le livre d’Heures ;
Mais alors s’enfuyant sur des ailes de feu,
Toute à ses visions, flammes intérieures,
Son âme enamourée errait dans le ciel bleu.

Alors il lui semblait, sur le pavé des salles
S’échappant des feuillets de son missel fermé,
Voir fleurir en berceaux les roses idéales
Peintes sur les blancheurs du vélin parfumé.

Près des pâles bleuets, sur qui l’insecte rôde,
Le muguet odorant croissait au pied des lys,
Et sous les gazons verts aux reflets d’émeraude
Se mêlaient la pervenche et le myosotis.

Penchés sur ses cheveux frissonnants comme un saule,
Le vol des Chérubins et les Anges aussi
Touchaient en se jouant son front et son épaule
De leur aile de neige, et lui parlaient ainsi :

Ô belle et douce Yseult, toi dont la vie est sainte,
Et, toute dévouée à des actes pieux,
Comme un calme ruisseau, s’écoule dans l’enceinte
De la maison bénie où dorment tes aïeux !

Va, cesse d’envier les sereines extases
Et les félicités que nous goûtons sans fin
Dans les cieux de saphir, d’opale et de topazes
Où l’Archange sommeille aux bras du Séraphin.