Page:Banville - Œuvres, Le Sang de la coupe, 1890.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
le sang de la coupe

Comme sur les étangs les vertes demoiselles,
Ceux-là, rassérénant le splendide outremer,
Faisaient parmi l’éther frissonner leurs six ailes
Et baignaient de rayons les effluves de l’air.

Puis, d’autres s’enchantaient au délire des harpes.
Au bord du firmament penchés sur leurs genoux,
D’autres venaient tisser les suaves écharpes
Qui sont l’arc d’alliance entre le ciel et nous.

Et, parmi les lueurs les plus épanouies,
Humblement prosternés dans la pourpre des soirs,
D’autres, baignés enfin de clartés éblouies,
Jusqu’au Trône élevaient leurs fumants encensoirs.

Or souvent, l’âme prise à toutes ces féeries,
La belle Yseult suivait, les yeux remplis de pleurs,
Les tableaux plus vermeils que mille pierreries
Et le ruissellement de leurs vives couleurs.

Ensuite, regardant la fenêtre où le givre
Fleurit ses tendres lys faits d’un pâle duvet,
Debout et tout émue, elle fermait le livre,
Et pendant bien longtemps alors elle rêvait.

Ses cheveux qu’un bandeau de saphirs illumine,
S’échappant comme un fleuve en flots purs et dorés
Sur son corsage rose orné de blanche hermine,
Faisaient une auréole à ses yeux azurés.