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savez si bien expliquer : la vie. Je trouverai partout un M. de Trailles. Je venais donc à vous pour vous demander le mot d’une énigme, et vous prier de me dire de quelle nature est la sottise que j’y ai faite. J’ai parlé d’un père…

— Madame la duchesse de Langeais, dit Jacques en coupant la parole à l’étudiant, qui fit le geste d’un homme violemment contrarié.

— Si vous voulez réussir, dit la vicomtesse à voix basse, d’abord ne soyez pas aussi démonstratif.

— Eh ! bonjour, ma chère, reprit-elle en se levant et allant au-devant de la duchesse dont elle pressa les mains avec l’effusion caressante qu’elle aurait pu montrer pour une sœur et à laquelle la duchesse répondit par les plus jolies câlineries.

— Voilà deux bonnes amies, se dit Rastignac. J’aurai dès lors deux protectrices ; ces deux femmes doivent avoir les mêmes affections, et celle-ci s’intéressera sans doute à moi.

— A quelle heureuse pensée dois-je le bonheur de te voir, ma chère Antoinette ? dit madame de Beauséant.

— Mais j’ai vu M. d’Ajuda-Pinto entrant chez monsieur de Rochefide, et j’ai pensé qu’alors vous étiez seule.

Madame de Beauséant ne se pinça point les lèvres, elle ne rougit pas, son regard resta le même, son front parut s’éclaircir pendant que la duchesse prononçait ces fatales paroles.

— Si j’avais su que vous fussiez occupée… ajouta la duchesse en se tournant vers Eugène.

— Monsieur est M. Eugène de Rastignac, un de mes cou-