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— Alors, il a connu mon grand-père, qui commandait le Warwick.

Maxime haussa légèrement les épaules en regardant madame de Restaud, et eut l’air de lui dire : « S’il se met à causer marine avec celui-là nous sommes perdus. » Anastasie comprit le regard de monsieur de Trailles. Avec cette admirable puissance que possèdent les femmes, elle se mit à sourire en disant : — Venez, Maxime ; j’ai quelque chose à vous demander. — Messieurs, nous vous laisserons naviguer de conserve sur le Warwick et sur le Vengeur.

Elle se leva et fit un signe plein de traîtrise railleuse à Maxime, qui prit avec elle la route du boudoir. À peine ce couple morganatique, jolie expression allemande qui n’a pas son équivalent en français, avait-il atteint la porte que le comte interrompit sa conversation avec Eugène.

— Anastasie ! restez donc, ma chère, s’écria-t-il avec humeur, vous savez bien que…

— Je reviens, je reviens, dit-elle en l’interrompant, il ne me faut qu’un moment pour dire à Maxime ce dont je veux le charger.

Elle revint promptement. Comme toutes les femmes qui, forcées d’observer le caractère de leur mari pour pouvoir se conduire à leur fantaisie, savent reconnaître jusqu’où elles peuvent aller afin de ne pas perdre une confiance précieuse, et qui alors ne les choquent jamais dans les petites choses de la vie, la comtesse avait vu d’après les inflexions de la voix du comte qu’il n’y aurait aucune sécurité à rester dans le boudoir. Ces contretemps étaient dus à Eugène. Aussi la comtesse montra-t-elle l’étudiant