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Christophe. je n’ai pas un liard, il faudra payer mon cocher au retour.

Rastignac se précipita dans l’escalier, et partit pour aller rue du Helder chez madame de Restaud. Pendant le chemin, son imagination, frappée de l’horrible spectacle dont il avait été témoin, échauffa son indignation. Quand il arriva dans l’antichambre et qu’il demanda madame de Restaud, on lui répondit qu’elle n’était pas visible.

— Mais, dit-il au valet de chambre, le viens de la part de son père qui se meurt.

— Monsieur, nous avons de M. le comte les ordres les plus sévères…

— Si monsieur de Restaud y est, dites-lui dans quelle circonstance se trouve son beau-père et prévenez-le qu’il faut que je lui parle à l’instant même.

Eugène attendit pendant longtemps.

— Il se meurt peut-être en ce moment, pensait-il.

Le valet de chambre l’introduisit dans le premier salon où M. de Restaud reçut l’étudiant debout, sans le faire asseoir, devant une cheminée où il n’y avait pas de feu.

— Monsieur le comte, lui dit Rastignac, monsieur votre beau-père expire en ce moment dans un bouge infâme, sans un liard pour avoir du bois ; il est exactement à la mort et demande à voir sa fille…

— Monsieur, lui répondit avec froideur le comte de Restaud, vous avez pu vous apercevoir que j’ai fort peu de tendresse pour M. Goriot. Il a compromis son caractère avec madame de Restaud, il a fait le malheur de ma vie, je vois en lui l’ennemi de mon repos. Qu’il meure, qu’il vive, tout m’est parfaitement indifférent. Voilà quels sont