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— Mais, disait-elle, les bureaux ne terminent rien.

Les deux veuves montaient ensemble, après le dîner, dans la chambre de madame Vauquer, et y faisaient de petites causettes en buvant du cassis et mangeant des friandises réservées pour la bouche de la maîtresse. Madame de l’Ambermesnil approuva beaucoup les vues de son hôtesse sur le Goriot, vues excellentes, qu’elle avait, d’ailleurs, devinées dès le premier jour ; elle le trouvait un homme parfait.

— Ah ! ma chère dame, un homme sain comme mon œil, lui disait la veuve, un homme parfaitement conservé, et qui peut donner encore bien de l’agrément à une femme.

La comtesse fit généreusement des observations à madame Vauquer sur sa mise, qui n’était en harmonie avec ses prétentions.

— Il faut vous mettre sur le pied de guerre, lui dit-elle.

Après bien des calculs, les deux veuves allèrent ensemble au Palais-Royal, où elles achetèrent, aux galeries de Bois, un chapeau à plumes et un bonnet. La comtesse entraîna son amie au magasin de la Petite Jeannette, où elles choisirent une robe et une écharpe. Quand ces munitions furent employées et que la veuve fut sous les armes, elle ressembla parfaitement à l’enseigne du Bœuf à la mode. Néanmoins, elle se trouva si changée à son avantage, qu’elle se crut l’obligée de la comtesse, et, quoique peu donnante, elle la pria d’accepter un chapeau de vingt francs. Elle comptait, à la vérité, lui demander le service de sonder Goriot et de la faire valoir auprès de lui. Madame de l’Ambermesnil se prêta fort amicalement à ce manège, et cerna le vieux vermicellier, avec lequel elle réussit à