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— Si elles étaient là, je ne me plaindrais pas, dit-il. Pourquoi donc me plaindre ?

Un léger assoupissement survint et dura longtemps. Christophe revint. Rastignac, qui croyait le père Goriot endormi, laissa le garçon lui rendre compte à haute voix de sa mission.

— Monsieur, dit-il, je suis d’abord allé chez madame la comtesse, à laquelle il m’a été impossible de parler, elle était dans de grandes affaires avec son mari. Comme j’insistais, monsieur de Restaud est venu lui-même, et m’a dit comme ça : « Monsieur Goriot se meurt ? Eh bien ! c’est ce qu’il a de mieux à faire. J’ai besoin de madame de Restaud pour terminer des affaires importantes, elle ira quand tout sera fini. » Il avait l’air en colère, ce monsieur-là. J’allais sortir, lorsque madame est entrée dans l’antichambre par une porte que je ne voyais pas, et m’a dit : « Christophe, dis à mon père que je suis en discussion avec mon mari, je ne puis pas le quitter ; il s’agit de la vie ou de la mort de mes enfants, mais aussitôt que tout sera fini, j’irai. » Quant à madame la baronne, autre histoire ! je ne l’ai point vue, et je n’ai pas pu lui parler. « Ah ! me dit la femme de chambre madame est rentrée du bal à cinq heures un quart, elle dort, si je l’éveille avant midi, elle me grondera. Je lui dirai que son père va plus mal quand elle me sonnera. Pour une mauvaise nouvelle, il est toujours temps de la lui dire. » J’ai eu beau prier ! Ah ouin !… J’ai demandé à parler à monsieur le baron, il était sorti.

— Pas une de ses filles ne viendrait ! s’écria Rastignac. Je vais écrire à toutes deux.

— Pas une, répondit le vieillard en se dressant sur son