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seconde Étude dut être rappelée. Cette introduction ouvrait la publication, comme nous l’avons indiqué au commencement de ce travail.

INTRODUCTION AUX ÉTUDES DE MŒURS
au XIXesiècle.

Nous avons essayé déjà de donner, dans l’Introduction aux Études philosophiques[1], le dessein général du grand ouvrage dont les Études de mœurs constituent la première partie ; car ici l’auteur définit en quelque sorte les termes de la proposition qu’il doit résoudre ailleurs ; ainsi, notre tâche se borne à montrer les attaches par lesquelles cette première partie, si vaste dans son ensemble, si variée dans ses accidents, se soude aux deux autres dont elle est la base. Toute œuvre humaine se produit en un certain ordre qui permet au regard d’en relier les détails à la masse, et cet ordre suppose des divisions. Si les Études de mœurs manquaient de cette harmonie architecturale, il serait impossible d’en découvrir la pensée : tout y serait confus à l’œil et nécessairement fatigant à l’esprit. Avant d’examiner les Études de mœurs, il faut donc en saisir les principales lignes, assez nettement accusées d’ailleurs dans les titres des six portions dont elle se compose, et que voici :

Scènes de la Vie privée.
Scènes de la Vie de province.
Scènes de la Vie parisienne.
Scènes de la Vie politique.
Scènes de la Vie militaire.
Scènes de la Vie de campagne.

Chacune de ces divisions exprime évidemment une face du monde social, et leurs énoncés reproduisent déjà les ondulations de la vie humaine. « Dans les Scènes de la Vie privée, avons-nous dit ailleurs, la vie est prise entre les derniers développements de la puberté qui finit, et les premiers calculs d’une virilité qui commence. Là donc, principalement des émotions, des sensations irréfléchies ; là, des fautes commises moins par la volonté que par inexpérience des mœurs et par ignorance du train du monde ; là, pour les femmes, le malheur vient de leurs croyances dans la sincérité des sentiments, ou de leur attachement à leurs rêves que les enseignements de la vie dissiperont. Le jeune homme est pur ; les infortunes naissent de l’antagonisme méconnu que produisent les lois sociales entre les plus naturels désirs et les plus impérieux souhaits de nos instincts dans toute leur vigueur ; là, le chagrin a pour principe la première et la plus excusable de nos erreurs. Cette première vue de la destinée humaine était sans encadrement possible. Aussi l’auteur s’est-il complaisamment promené partout : ici, dans le fond d’une campagne ; là, en province ; plus loin, dans Paris. Les Scènes de la Vie de province sont destinées à représenter cette phase de la vie humaine où les passions, les calculs et les idées prennent la place des sensations, des mouvements irréflé-

  1. Voir plus loin, après le travail sur les Études philosophiques.